Noyer noir
(Noyer d'Amérique, noyer de Virginie)
Même s'il pousse spontanément dans le sud du Québec, le noyer noir n'y est pas indigène; il est même assez loin de l'être... Effectivement, l'aire de répartition naturelle de ce dernier évite presque complètement la Nouvelle-Angleterre, bien qu'on y trouve quelques occurrences dans le Vermont, le Massachusetts et le Connecticut. L'état de New York accueille les premières « vraies » populations de noyers noirs, alors que ces dernières y sont tout de même très disséminées. Il faut attendre d'être en Pennsylvanie et au New Jersey avant que cette espèce ne devienne courante. Par la suite, elle le demeure jusque dans le nord de la Floride au sud, puis jusque dans l'est du Texas à l'ouest et jusque dans le sud du Dakota du sud au nord. Du Texas à la Caroline du sud, le noyer noir évite la côte du golfe du Mexique, ainsi que le littoral atlantique. Il en va de même pour le cours inférieur du fleuve Mississippi où le noyer noir élude une partie de la plaine de débordement.
Histoire, anecdotes et informations pertinentes
Plus que tout, la qualité du bois du noyer noir représente son plus grand atout et la raison principale de sa popularité auprès des sylviculteurs et des ébénistes. Effectivement, on considère souvent que le bois du noyer noir est celui qui possède la plus grande valeur monétaire parmi tous les bois issus de l'Amérique du Nord.
La noix que produit le noyer noir constitue également une denrée de grande valeur. Au-delà de la faune, celle-ci peut être consommée par l'homme. L'amande est pourvue d'une saveur épicée caractéristique d'un produit forestier qui, visiblement, n'a pas été cultivé pendant des siècles, afin d'en aplanir son goût et de pouvoir satisfaire une plus grande clientèle. Il s'agit là d'un PFNL (produit forestier non ligneux), un vrai de vrai. À noter que, la plupart du temps, la coque de la noix est plutôt épaisse et très difficile à casser. De plus, l'amande se trouve enclavée dans de multiples cavités, ce qui en complique l'extraction.
Le nom scientifique juglans est une contraction des mots latins jovis et glans signifiant gland de Jupiter. Il va de soit que les impressionnantes noix du noyer constituent ici un symbole phallique que l'on a rattaché au sexe de Jupiter, le dieu des dieux romains. On peut aisément penser que l'épithète spécifique (nigra en latin et noir en français) fait référence au bois foncé de l'arbre.
Il est possible d'obtenir une teinture jaunâtre à partir du brou des fruits et des racines. On dit que les Amérindiens et les colons américains se servait de l'arbre à cet effet. Aujourd'hui, l'industrie lourde utilise la coque des noix broyée pour en faire des sables abrasifs non siliceux (sandblast). Les fragments de cette même coque broyée entrent parfois dans la fabrication des pneus d'automobile et sont même utilisé pour nettoyer des moteurs d'avions (USDA FS, 1991). L'industrie cosmétique se sert également de ces fragments de coque de noix broyée comme agent exfoliant dans divers produits pour la peau.
De nombreux peuples autochtones auraient participé à l'émancipation de l'espèce en Amérique du Nord en plantant des arbres autour de leurs villages. Bien sûr, la production massive de noix l'automne venu aurait motivé les Amérindiens à agir ainsi, mais d'autres aspects du noyer noir les auraient aussi intéressés. L'un d'eux est un composé aromatique que produit en grande quantité le noyer noir - ainsi que plusieurs membres des juglandacées dont les noyers et les caryers font partie - et qui se nomme la juglone. Celle-ci est une substance allélopathique qui, par définition, nuit ou retarde la croissance des végétaux se trouvant à proximité. Elle pourrait agir « en inhibant certaines enzymes nécessaires au métabolisme » (Wikipédia, 2019) ou en bouchant les vaisseaux des végétaux qui ont le malheur de déployer leurs racines trop près des racines du noyer noir. Cependant, la juglone n'est pas exclusivement sécrétée par les racines de l'arbre. Les feuilles et le brou des fruits en contiennent aussi. Cela veut donc dire que la juglone peut affecter des végétaux se trouvant au-delà de l'espace qu'occupe l'arbre. Néanmoins, les effets de la juglone se font surtout sentir sous l'arbre qui en produit, puisque ce sont les racines qui en excrètent le plus. Aussi, c'est principalement sous l'arbre que les feuilles et les fruits s'amassent en automne. Toutefois, certaines espèces d'érables, de bouleaux ou de hêtres sont réputées résistantes à la juglone, ce qui n'est même pas le cas des jeunes semis de noyers noirs... Même pour certaines espèces animales, la juglone peut s'avérer toxique. Plusieurs insectes et même certains mamifères tel que le cheval peuvent subir une intoxication due à la juglone. Chez ce dernier, cela peut se traduire par des coliques ou par l'apparition de la fourbure. il ne suffit que 20% de la ripe de bois que contient la litière de sa stalle provienne de bois de noyer noir pour que des symptômes apparaissent. Les poissons aussi peuvent être gravement intoxiqués par la juglone. Ils y sont même plutôt vulnérables et c'est précisément ce qu'avaient compris certaines communautés autochtones. On rapporte que des Amérindiens se servaient parfois du brou des fruits de noyer noir pour empoisonner les poissons des cours d'eau adjacents à leurs villages. En effet, en rejetant d'importantes quantités de brous à l'eau, il était possible de prélever un très grand nombre de poissons d'un seul coup.
Dimensions, port et longévité
Le noyer noir est un grand arbre qui atteint souvent les 30 mètres de hauteur et les 20 mètres de largeur. Plus au sud, aux États-Unis, lorsqu'il pousse dans les stations qui lui sont le plus propices, il peut grandir jusqu'à une hauteur de près de 50 mètres. Actuellement, le plus grand des noyers noirs des États-Unis - et probablement au monde - fait environ 40 mètres de haut et est situé en Oregon (University of Kentucky, 2019). Lorsqu'il pousse en milieu forestier, le houppier de l'arbre est rond, alors que le tronc, long et droit, présente un faible effilement. En milieu ouvert, l'arbre a souvent tendance à se diviser à quelques mètres du sol en quelques grosses branches maîtresses qui forment une couronne massive, large et étalée. Pourtant, cette dernière est habituellement claire, puisque les branches des noyers ont la particularité de se diviser en rameaux qui, eux, ne se divisent pas en ramilles. En général, son espérance de vie est de 150 ans, mais il arrive que certains individus vivent jusqu'à 250 ans (Waldron, 2003).
Bois
C'est dans cette catégorie que le noyer noir règne en roi et maître, du moins en ce qui a trait aux arbres nord-américains. Ce bois ne présente à peu près pas de défauts : il est assez lourd et dur - bien qu'il le soit moins que l'érable à sucre ou le chêne en général - fort et très résistant à la pourriture. Il ne gauchit pas beaucoup lors du séchage. Son grain est moyen, ce qui signifie que les pores du bois sont quelque peu apparents, et son fil est droit. Toutes ces caractéristiques font donc du bois du noyer noir une matière qui se travaille bien, lui qui est facile à fendre, se colle bien, se finit bien et qui, en plus, réagit bien au cintrage à la vapeur. La couleur du duramen - ou bois de coeur - va du brun clair au brun chocolat foncé strié de bandes plus foncées encore. On décèle parfois des teintes grises, pourpres ou même rouges à travers la couleur dominante brune, ce qui contribue à enrichir l'aspect du bois. À l'inverse, l'aubier est d'un jaune grisâtre pâle qui peut parfois être presque blanc. Très apprécié des ébénistes, le bois du noyer noir sert dans la fabrication de meubles, d'armoires, de planchers, de panneaux de revêtement intérieurs, de contreplaqués, de pièces usinées au tour, de crosses d'armes à feu traditionnelles et d'une multitude d'autres petits articles de bois.
Vertus médicinales
L'écorce et les feuilles pourraient notamment être utilisée comme antiseptique, dépuratif sanguin et lymphatique, laxatif et vermifuge. Ces deux parties de l'arbre seraient assez efficaces pour traiter des maladies de peau telles que l'herpès et l'eczema. Le jus obtenu à partir du brou des fruits, en usage externe, constituerait également un bon allier pour traiter la teigne, une maladie qui n'est plus très courante dans les pays développés. Lorsque mâchée, l'écorce de l'arbre aurait la faculté de diminuer les douleurs dentaires. Un thé, obtenu à partir des feuilles de l'arbre, aurait également des propriétés astringentes. Historiquement, bien d'autres usages des différentes parties de l'arbre ont été documentés, afin de traiter diverses indispositions.
* Les références (sources) complètes se trouvent sous l'onglet Tableau descriptif, puis sous l'onglet Références, tout en-bas de la page.
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Arbo-Quebecium, (2019). Juglans nigra : Noyer noir. [Ressource en ligne]. Repéré à : http://www.arboquebecium.com/fr/arbres-du-quebec/arbres-introduits/noyer-noir/ et consulté le : jj/mm/aaaa.
Informations générales | |
Port : | Large et globulaire |
Croissance : | Moyenne |
Grandeur moyenne : | 30 m |
Largeur moyenne : | 20 m |
Diamètre moyen : | 120 cm |
Espérance de vie : | 150 ans |
Région d'origine : | Canada et États-Unis |
Feuilles | |
Type : | Caduques, composées, alternes |
Caractéristiques : | 14 - 22 folioles ovales, pointues et pubescentes |
Longueur : | 20 - 60 cm |
Couleur : | Vert jaunâtre |
Couleur d'automne : | Jaunes |
Exposition | |
Ombre | Mi-ombre |
Soleil |
Fleurs | |
Saison : | Printemps |
Caractéristiques ♂ : | Chatons, 5 - 10 mm de longueur |
Caractéristiques ♀ : | Inflorescences dressées, 1 - 4 fleurs |
Couleur ♂ : | Verdâtres |
Couleur ♀ : | Vertes et rouge rosé |
Type d'ombre produit | |
Léger | Moyen |
Fort |
Fruits | |
Type : | Noix globulaires |
Longueur : | 4 - 6 cm |
Couleur : | Vert jaunâtre |
Saison : | Automne |
Utilités paysagères et territoriales | |
Arbre de rue | Contrôle de l'érosion |
Brise-vent | Toit vert |
Haie | Massif |
Écran | Isolé |
Écorce | |
Apparence/jeune : | Écailleuse |
Apparence/vieille : | Épaisse et rugueuse, divisée en larges crêtes entrecroisées |
Couleur/jeune : | Brun pâle |
Couleur/vieille : | Presque noire |
Résistance(s) | |
Cerf de Virginie | Rongeurs |
Maladies | Insectes |
Verglas | Vent |
Tolérance(s) | |
Chaleur extrême | Sécheresse |
Inondation | Sel de déglaçage |
Embruns salins | Compactage |
Pollution |
Zones de rusticité | |
1 | 2 |
3 | 4 (a) |
5 | 6 |
Attraits | |
Écorce décorative | Attire les oiseaux |
Fleurs décoratives | Attire les petits animaux |
Feuilles décoratives | Sonorité du feuillage |
Fruits décoratifs | Vertus médicinales |
Classification classique | |
Règne : | Plantae |
Sous-règne : | Tracheobionta |
Super-division : | Spermatophyta |
Division : | Magnoliophyta |
Classe : | Magnoliopsida |
Sous-classe : | Hamamelididae |
Ordre : | Juglandales |
Famille : | Juglandaceae |
Genre : | Juglans |
Espèce : | Juglans nigra |
Indigène dans ces provinces et états : | |
Canada : ON |
Peu d'arbres sont aussi capricieux que le noyer noir en matière de conditions culturales. Celui-ci doit impérativement pousser dans un sol d'au moins un mètre de profondeur, afin de permettre un bon développement de son système racinaire. Ce dernier comporte souvent un pivot central « qui peut pénétrer les sols à texture moyenne et bien drainés à plus de 2,5 mètres [de profondeur] après [seulement] trois ans, auquel s'ajoutent des racines latérales » (Lupien, 2006). Cet arbre est aussi « exigeant en éléments nutritifs et les sols pouvant lui suffire doivent posséder de fortes concentrations de minéraux basiques » (Lupien, 2006). Dans la nature, le noyer noir peut pousser sur des sols dont la texture est fine, moyenne ou grossière, en autant que ceux-ci soient frais et bien drainés. Dans les plaines d'inondation, où il a l'habitude de pousser, il préfère s'établir dans des stations un peu plus élevées ou dans une pente, ce qui lui permettra d'éviter d'avoir les pieds dans l'eau trop longtemps. Néanmoins, il présente une tolérance moyenne aux inondations. Il n'est pas rare de le voir pousser sur des sols calcaires, là où ses racines peuvent potentiellement pousser profondément dans les fissures humides de ce type de sol. Dans son habitat naturel, il pousse souvent en compagnie du frêne blanc, de l'érable à sucre, du hêtre à grandes feuilles, du tilleul d'Amérique, du cerisier tardif et du tulipier de Virginie. À plus haute altitude, le chêne noir, ainsi que plusieurs autres chênes et caryers typiques de la forêt carolinienne peuvent pousser à ses côtés (Waldron, 2003).
Cet arbre possède une bonne résistance face au verglas, mais « les jeunes tiges non lignifiées peuvent se briser facilement » (Lupien, 2006) lors de journées venteuses en été. Il est donc déconseillé de planter le noyer noir dans des stations fortement exposées aux vents. Étonnement, cette espèce de noyer, introduite au Québec, est très résistante au froid. Cependant, elle peut s'avérer assez fragile au gel après un redoux. Sa tolérance face à divers polluants atmosphériques serait assez bonne (gibneyCE.com, 2017; Lupien, 2006; Pellerin, 2005), alors que les différentes sources divergent en ce qui concerne les embruns salins et les sels de déglaçage. Certaines le disent plutôt résistant (gibneyCE.com, 2017; Pellerin, 2005), alors que d'autres le disent sensible (Waldron, 2003). Il n'y a pas plus de consensus au niveau de la tolérance de cet arbre face au compactage et à la sécheresse. Selon diverses sources, il tolérerait assez bien la sécheresse (Missouri Botanical Garden, s.d.; Plants For A Future, 2012; California Polytechnic State University, 2019), alors que, pour d'autres, il ne la tolérerait pas du tout (Lupien, 2006, University of Florida, 1993). Le noyer noir possèderait une certaine tolérance quant à la compaction (Pellerin, 2005), mais, comme cet arbre ne se contente pas de n'importe quel type de sol afin de bien pousser, il serait sans doute plus sage d'éviter ces emplacements qui nuisent au drainage naturel et à l'oxygénation des racines. Les jeunes pousses peuvent être broutées par les cerfs de Virginie, mais il faut dire qu'il ne s'agit pas de leur nourriture favorite (Wikipédia, 2018). Là où les populations de cervidés ne sont pas trop importantes, on peut penser que ceux-ci ne s'attaqueraient pas à un jeune noyer noir. Peu de problèmes pathologiques ou entomologiques sont inhérents à ce noyer, mais, depuis quelques années, dans certains états du centre-ouest des États-Unis, on observe que certains noyers noirs sont affectés par la maladie des mille chancres (Geosmithia morbida), une maladie qui est causée par l'action combinée d'un insecte et d'un champignon et qui peut mener à la mort de l'arbre infecté. En 2010, un arbre aux prises avec cette maladie a été découvert à Knoxville, au Tennessee.
Lorsque le noyer noir trouve son optimum, il peut facilement pousser de 90 à 120 cm par année. Les sols frais et loameux qui présentent un assez bon drainage, ainsi qu'une haute teneur en matière organique, avec un pH se situant entre 5,5 et 8,2 permettront ce genre de croissance. La plantation d'espèces fixatrices d'azote à ses côtés pourrait s'avérer un choix judicieux, afin d'enrichir davantage le sol et, ainsi, stimuler sa croissance (Boulet et Huot, 2013). Étant donné que le noyer noir est considéré comme une essence pionnière, intolérante à l'ombre, l'arbre doit bénéficier d'un ensoleillement maximal. Cela vaut tout autant pour les semis qui ne supportent pas plus l'ombrage que les arbres adultes.
Beaucoup d'animaux apprécient grandement les noix de l'arbre. Les écureuils font assurément partie du lot, mais d'autres petits rongeurs les apprécient tout autant. Bien que l'on puisse se questionner quant à leur capacité de casser des noix, les cerfs de Virginie les consommeraient aussi. Le pic à ventre roux, présent dans toute l'aire de répartition naturelle du noyer noir, en est friand. Le papillon lune, présent au Québec, se nourrit principalement des feuilles de cette espèce de noyer.