Champion des pins blancs
(La Patrie, Québec)
Sis au bord d'un des embranchements de la rivière au Saumon - une autre de ce nom - le pin blanc de La Patrie est le plus grand pin blanc du Québec. Il se trouve à quelques kilomètres du centre de La Patrie, un village du sud-est des Cantons-de-l'Est qui, lui, est situé à une dizaine de kilomètres du mont Mégantic et de la frontière canado-états-unienne. Haut d'environ 35 mètres, il domine toute la végétation environnante, majoritairement constituée de grandes épinettes blanches, de sapins baumiers et de bouleaux jaunes. Étrangement, les autres pins blancs sont quasi absents de ce secteur.
Ce géant a une allure atypique, lui qui a un tronc unique sur ses sept premiers mètres de hauteur, mais qui se sépare soudainement en cinq grosses branches maîtresses et ascendantes. À bonne distance, on croirait voir un groupe de pins alors qu'il n'en est rien ; il s'agit bien d'un seul et même arbre. Que s'est-il passé pour qu'il pousse de cette façon ? Est-ce dû à une vieille infestation du charançon du pin blanc qui excelle dans l'art de déformer ces arbres ou bien s'il a simplement été victime de la chute d'un plus grand arbre, alors qu'il était encore jeune ? Difficile à dire... Comme pour la plupart des arbres qui n'ont pas été plantés, on ne connaît pas très bien son histoire, pas plus que son âge d'ailleurs. On sait seulement qu’il a été « épargné en 1925 à l'occasion d'une coupe de bois [puisque] les moulins à scie de l'époque n'acceptaient pas de semblables colosses » (Histoires forestières du Québec, 2012). On peut donc penser que, s'il était déjà de bonne taille à cette époque, il devait certainement être assez âgé aussi.
L'âge d'un arbre, c'est souvent la première question que nous nous posons lorsque l'on se trouve devant un sujet qui, pour une raison ou une autre, nous impressionne. Et, à moins de le couper et de compter ses cernes d'accroissement annuel ou bien de le blesser en le perçant, tout en récupérant un échantillon de bois appelé « carotte », on ne peut qu'estimer son âge... Dans le cas de ce pin, il y a cependant une information que nous possédons et qui pourrait peut-être nous orienter quant à son âge. Effectivement, nous savons que, en 1994, sa circonférence était de 467 cm, alors que cette dernière était de 518 cm en 2011. Cela représente un gain de 51 cm en 17 ans, pour une moyenne de 3 cm par année. En prenant pour acquis que sa circonférence augmente constamment de 3 cm par année, et ce depuis sa germination jusqu'à nos jours - rappelons ici qu'il s'agit d'une estimation - cet arbre aurait aujourd'hui 178 ans.
Si cet arbre a réussi à faire aussi bien dans un secteur qui, bien que dans le sud du Québec, n'est pas du tout reconnu pour être le plus chaud, dans un sol peu profond et relativement pauvre, imaginez à quoi pouvait ressembler la vallée du Saint-Laurent ou celle de l'Outaouais avant la colonisation...
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Frédérick Gladu
B.Sc.A. Architecture de paysage, Université de Montréal